Des partisanes du droit de vote des femmes posent le 26 janvier 1971 à Zurich avec leurs pancartes en faveur du suffrage féminin avant la votation fédérale du 7 février 1971 sur le sujet. (KEYSTONE/Str)
1868: pour la première fois les Zurichoises réclamèrent le droit de vote pour les femmes à l’occasion de la révision de la Constitution cantonale, en vain. Peu après, un groupe de travailleuses fonda la Fédération suisse des ouvrières, qui, en 1893, réclama officiellement pour la première fois le droit de vote et d’éligibilité pour les femmes. D’autres associations pour le droit de vote des femmes virent ensuite le jour et créèrent ensemble, en 1909, l’Association suisse pour le suffrage féminin (ASSF).
En 1904, le Parti socialiste suisse (PS) inscrivit le suffrage féminin dans son programme. En 1912, cette demande devint l’une des revendications officielles de la lutte contre l’exploitation du prolétariat par la classe capitaliste. La même année, le PS exigea l’extension du droit de vote aux femmes au Grand Conseil saint-gallois, sans succès.
Entre 1914 et 1921, des propositions en faveur du suffrage féminin furent déposées dans les cantons de Bâle-Ville, Berne, Genève, Neuchâtel, Vaud et Zurich, mais rares furent celles qui dépassèrent le stade parlementaire. Entre 1919 et 1921, le suffrage féminin fut soumis au vote dans les cantons de Genève, Neuchâtel, Bâle-Ville, Zurich, Glaris et Saint-Gall, mais aucune de ces votations ne fut favorable aux femmes.
À la même époque, deux motions réclamant l’introduction du suffrage féminin au niveau fédéral furent déposées pour la première fois au Conseil national. Les deux conseils les transformèrent en postulats, ce qui les rendit moins efficaces. En 1919, ces interventions parlementaires furent transmises au Conseil fédéral, qui les remisa au placard pendant des décennies.
En 1929, l’ASSF, avec le soutien d’autres associations de femmes, du PS et des syndicats, lança une pétition, au niveau fédéral, en faveur du suffrage des femmes. Malgré ses 249 237 signataires (78 840 hommes et 170 397 femmes), cette pétition resta cependant lettre morte.
Dans les années 1930, la crise économique et la montée des courants politiques conservateurs et fascistes contribuèrent à renforcer la thèse selon laquelle la place de la femme était à la maison. Les revendications d’émancipation du mouvement pour le suffrage féminin furent temporairement suspendues.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les associations de femmes s’impliquèrent activement dans le secours populaire dans l’espoir d’obtenir plus de droits politiques. En 1940, à Genève et Neuchâtel, des projets de loi demandant le suffrage féminin au niveau cantonal et communal furent à nouveau rejetés. En 1945, le Conseil national transmit un postulat sur la question du suffrage féminin au Conseil fédéral.
Dans l’atmosphère de renouveau des premières années d’après-guerre, quelques votations cantonales et communales eurent lieu pour demander l’introduction du suffrage féminin (1946: Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Genève, Tessin; 1947: Zurich; 1948: Neuchâtel, Soleure; 1951: Vaud). Toutefois, toutes ces votations se soldèrent par un échec. En 1951, le Conseil fédéral publia un rapport dans lequel il estimait prématuré d’organiser une votation fédérale pour le droit de vote des femmes eu égard aux revers subis dans différents cantons.
Malgré l’essor économique des années 1950, l’attitude fondamentale de la classe politique suisse resta résolument conservatrice. Seul le canton de Bâle-Ville autorisa, en 1957, ses trois communes municipales à introduire le droit de vote et d’éligibilité pour les femmes. Le 26 juin 1958, à Riehen, les femmes votèrent pour la première fois au niveau communal.
En 1957, l’ASSF, la Ligue suisse des femmes catholiques et l’Alliance de sociétés féminines suisses s’opposèrent au Conseil fédéral qui souhaitait obliger les femmes à s’engager dans la protection civile: comment accepter de voir les femmes contraintes à de nouveaux devoirs alors qu’elles ne jouissent toujours pas des droits politiques?
Comme la controverse publique suscitée mettait en danger le projet de protection civile, le Conseil fédéral présenta un premier projet de votation nationale sur le suffrage féminin. Au Parlement, les opposants au vote des femmes, qui souhaitaient provoquer un refus par les électeurs, apportèrent leur soutien au projet, qui fut adopté par les deux conseils en 1958. À la veille de la votation, le PS, l’Alliance des indépendants (AdL) et le Parti suisse du travail (PST) soutinrent le vote des femmes. Le Parti radical démocratique et le Parti populaire chrétien social ne donnèrent pas de consigne de vote, tandis que le Parti des paysans, artisans et bourgeois recommanda de voter non. Avec une participation de 66,7 %, le projet fut nettement rejeté par 654 939 voix (66,9 %) contre 323 727 (33 %). Seuls les cantons de Vaud, Genève et Neuchâtel se prononcèrent en faveur du suffrage féminin.
Le jour même des votations fédérales de 1959, le canton de Vaud accorda le droit de votes aux femmes au niveau cantonal et communal, suivi par Neuchâtel la même année et par Genève en 1960.
En 1966, Bâle-Ville fut le premier canton de Suisse alémanique à approuver le suffrage féminin cantonal et communal. Bâle-Campagne suivit en 1968 et le Tessin en 1969.
En 1968, le Conseil fédéral prévoyait de signer la Convention européenne des droits de l’homme à l’exclusion du droit de vote et d’éligibilité des femmes. Les associations féminines, qui craignaient de voir leur revendication à nouveau mise de côté, s’inspirèrent du Mouvement de libération des femmes (MLF) et protestèrent énergiquement. Eu égard au climat social tendu qui régnait alors, le Conseil fédéral s’empressa de mettre sur pied un nouveau projet concernant le suffrage féminin. Etant donné que l’adoption par les électeurs semblait vraisemblable, les opposants préférèrent cette fois-ci rester silencieux, aucun parti ne souhaitant perdre la faveur des électrices potentielles.
Le 7 février 1971, les Suissesses remportèrent enfin la victoire: 53 ans après l’Allemagne, 52 ans après l’Autriche, 27 ans après la France et 26 ans après l’Italie, les électeurs masculins acceptèrent en votation populaire le droit de vote et d’éligibilité des femmes, par 65,7 % contre 34,3 %. Ce droit fut toutefois encore rejeté dans huit cantons ou demi-cantons : Appenzell Rhodes-Extérieures, Appenzell Rhodes-Intérieures, Glaris, Obwald, Schwytz, Saint-Gall, Thurgovie et Uri.
À la même période, la majorité des cantons introduisit le droit de vote et d’éligibilité au niveau cantonal et, pour partie, au niveau communal. Certaines communes repoussèrent cependant l’introduction du suffrage féminin jusqu’aux années 1980. En 1989, à une courte majorité, la Landsgemeinde du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures accepta le suffrage féminin lors du vote à mains levées. En Appenzell Rhodes-Intérieures, il fallut même en appeler au Tribunal fédéral, qui par un arrêt du 27 novembre 1990, décida que les femmes avaient également, sans délai, le droit de vote. Le 28 avril 1991, toutes les Suissesses purent enfin voter au niveau cantonal.
À l’automne 1971, les Suissesses et les Suisses élurent dix conseillères nationales et une conseillère aux Etats au Parlement. Une onzième conseillère nationale remplaça même, quelques jours plus tard, un homme élu au Conseil des Etats.
Depuis cette époque, le nombre de femmes élues au Conseil national n’a cessé d’augmenter (1983: 11 %; 2003: 26 %; 2015: 32 %), tandis que cette tendance est moins marquée et plus irrégulière au Conseil des États (1983: 6,5 %; 2003: 23,9 %; 2015: 15,2 %).
En 1977, la schwytzoise Elisabeth Blunschy du PDC devint la première présidente du Conseil national et de fait la « première citoyenne » de Suisse. Il a par contre fallu attendre 1991 pour assister à l’élection de la première femme – la lucernoise Josi Meier (PDC) – à la présidence du Conseil des États.